Projet scientifique
Le projet scientifique de l’UR ADEF vise à accroître la compréhension des systèmes d’enseignement et/ou de formation, plus particulièrement des effets des décisions politiques et de l’appréciation de leur efficacité, dans les organisations de formation professionnelle des enseignants et/ou des formateurs et au travers des interactions élève (formé), enseignant (formateur) et savoir.
Historiquement, de nombreux travaux conduits localement portent, d’une part, sur l’évaluation et, d’autre part, d’études en didactique, qu’il s’agisse de didactiques des disciplines scolaires (notamment en mathématiques, sciences, technologies, sciences économiques et de gestion, lettres et langues, arts…), de didactiques professionnelles (dans les formations professionnelles scolaires, dans le milieu de la santé ou dans les secteurs de la formation professionnelle en entreprise) ou d’approches comparatives du didactique. Les recherches qui seront conduites au cours de la prochaine période quadriennale s’inscriront dans cette histoire. Plus généralement, elles interrogent les processus de transmission-acquisition de connaissances dès lors qu’ils s’inscrivent dans des institutions scolaires ou de formation et qu’ils se fondent sur l’institutionnalisation de professionnels chargés de les organiser et de les mettre en œuvre. Elles s’orientent selon trois axes thématiques :
- processus d’enseignement-apprentissage,
- professionnalité et professionnalisation des métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation et
- institutions scolaires et de formation.
Processus d’enseignement-apprentissage
La construction de savoirs sociaux dès lors qu’elle s’institutionnalise à l’école – qu’il s’agisse de l’institution scolaire ou des institutions qui organisent les différentes formes de formation professionnelle – se caractérise par la construction d’un espace social d’interactions entre un enseignant (un formateur), un élève (un formé) et un savoir finalisé autour d’un objectif contractuel : l’enseignant (le formateur) est là pour organiser la transmission d’un savoir à l’élève (le formé) qui est là pour l’acquérir. Il y a une mise en tension d’une institution conservatrice des savoirs qu’elle maitrise et la nécessité de transmettre ces savoirs pour en assurer simultanément la pérennité et l’évolution. Cette mise en tension définit les termes d’interactions entre ces acteurs dont les rôles sont tout autant définis par les institutions que par les individualités sociales de chacun d’entre eux. La compréhension de ces mises en tension constitue un enjeu pour l’ensemble des travaux de recherche conduits au sein des équipes de l’équipe d’accueil selon des approches et des méthodologies différentes fondées sur des cadres théoriques variés. Cette diversité exprime la complémentarité des travaux conduits pour élucider des questions qui ne peuvent trouver de réponses que dans la diversification des points de vue.
Il s’agit d’interroger ces formes de transmission de connaissances en tant que phénomène social d’institution des rapports sociaux aux connaissances pour lesquels les approches didactiques visent à examiner les conditions d’entrée dans les cultures par l’étude. De ce point de vue, certains travaux visent à construire une articulation entre le temps long des apprentissages disciplinaires et le temps court des interactions en classe. Cela s’appuie sur l’articulation entre la construction des rapports aux objets d’enseignement, la définition des besoins en savoir dans les organisations sociales et la construction des rapports sociaux à l’école. Ce sont donc essentiellement les dimensions scolaires des processus de transmission-acquisition des connaissances scolaires qui sont étudiées.
Ainsi, d’un point de vue socio-historique, les organisations scolaires et/ou de formation sont inscrites dans des histoires particulières, propres à chaque discipline qui en déterminent simultanément et la matière à enseigner et la manière de l’enseigner. Le postulat selon lequel l’activité de l’élève en classe est susceptible de générer des apprentissages à partir de tâches proposées par l’enseignant pose la question de l’efficacité des organisations scolaires. La forme des relations professeur-élève est spécifiée par l'épistémologie des savoirs qui en sont l'enjeu, comme elle l’est par la conversion scolaire des dispositions sociales relatives aux savoirs et à l’école. On peut affirmer que pour transmettre des savoirs ayant les propriétés épistémologiques souhaitées, il faut en classe des situations didactiques dotées de certaines propriétés identifiées et que pour que l’école transmette des savoirs ayant telles propriétés épistémologiques, il faut dans la société une vision claire des enjeux de cette exigence pédagogique. L’efficacité dès lors apparaît comme la distance entre ce qui est attendu par l’institution, comment l’enseignant prend en compte ces attentes, ce qu’il enseigne, ce que les élèves en entendent, ce qu’ils font réellement et ce qu’ils apprennent. Chacune de ces sphères délimite les distances entre contenus, institutions, territoires. Les approches comparatives du didactique permettent de conduire des analyses sur plusieurs disciplines et lieux d'enseignement en les considérant dans le cadre des situations et au-delà, dans leur environnement social. Cet examen s’inscrit également dans des approches socio-didactiques et territorialisées qui permettent d’apprécier les effets différentiels du contrat didactique.
L’effet d’un enseignement dépend de la manière dont les acteurs (et d’abord, professeurs et élèves) se positionnent dans les transactions qu’ils conduisent conjointement dans le but d’enseigner et d’apprendre, définissant ainsi une dimension centrale de leur identité sociale. L’analyse de ces processus considère largement les représentations sociales, les savoirs préalables, les discours et les pratiques des acteurs et s’appuie sur l’étude des trois grands types de choix que les institutions didactiques sont amenées à faire : le choix des connaissances à diffuser, le choix des situations didactiques par lesquelles les diffuser, le choix des parcours de formation eux-mêmes. Par exemple, le développement des usages des technologies de l'information et de la communication engendre des conduites nouvelles ; la participation à des projets, spontanés ou dirigés, donne notamment naissance à des groupes qui affichent de manière implicite ou explicite des projets d’éducation et/ou de formation. Dans un autre exemple, si l’on pose que les normes sociales se construisent au travers de l’activité des élèves dans les institutions scolaires et que le genre relève de ce processus de construction de normes sociales, notamment dans les différentiations socioculturelles, socioprofessionnelles ou socioéconomiques, alors il est possible d’identifier dans l’articulation des tâches scolaires, des facteurs susceptibles de générer ou d’atténuer ces différenciations.
Professionnalité et professionnalisation des métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation
Les métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation composent un ensemble de professions qui interviennent à tous les niveaux des processus de transmission-acquisition de connaissances mais pour lesquels la professionnalité reste bien trop souvent mal définie. Par exemple, la compétence de l’enseignant dans un domaine disciplinaire est trop souvent réduite à la maitrise des connaissances académiques de ce domaine. Plusieurs travaux visent à améliorer notre compréhension de ce qui compose la compétence professionnelle d’un enseignant, d’un formateur et, au-delà, d’un professionnel de l’éducation. L’instauration de conditions favorables aux apprentissages individuels et/ou collectifs requiert une grande professionnalité de ces divers acteurs et/ou intervenants qui se manifeste au travers d’un triple niveau d’expertise : maitrise des connaissances à transmettre, maitrise des modes de transmission de ces connaissances et maitrise du rôle d’acteur de ce système de transmission. L’acquisition de ces niveaux d’expertise relève de la professionnalisation des acteurs qui devrait se construire dans les institutions de formation de formateurs. Qu’il s’agisse de la formation professionnelle des enseignants dans les IUFM ou de celle des formateurs dans d’autres institutions, par exemple la formation d’infirmiers ou la formation de responsables de formation professionnelle en entreprise, de nombreux travaux conduits dans l’équipe d’accueil analysent ces formes de professionnalisation au travers de (i) les prescriptions et leurs évolutions, (ii) les organisations du travail de l’enseignant, du formateur, du responsable… et (iii) l’étude des activités professionnelles telles qu’elles se construisent ou se reconstruisent tout autant chez le débutant que chez celui qui a déjà de l’expérience.
Les prescriptions institutionnelles engendrent des situations conflictuelles avec la conception que les professionnels ont de leur activité professionnelle. L’analyse des situations conflictuelles dans les situations professionnelles, la problématisation des pratiques et des dynamiques identitaires et l’identification des savoirs engagés dans ces pratiques professionnelles permettent de clarifier le double sens des prescriptions entre celles qui relèvent de l’organisation du travail et celles qui viennent de l’objet même du travail. Il y a un réel intérêt à analyser l’évolution historique des gestes et des savoirs professionnels engendrée par la prescription et les moyens que se donnent les acteurs pour se les approprier.
L’étude de ces questions de professionnalité, de professionnalisation et de métier concerne les enseignants qui interviennent à l’école primaire, dans l’enseignement secondaire général, technologique ou professionnel, dans l’enseignement supérieur mais également les formateurs qui interviennent dans des formations professionnelles telles que la formation des professionnels de santé (infirmiers, kinésithérapeutes…), des travailleurs sociaux, des éducateurs en santé, des moniteurs d’auto-école ou encore dans toute forme de formation professionnelle dès lors qu’une institution décide de former ses personnels soit pour les accompagner lors de l’entrée dans le métier, soit pour une formation qualifiante afin de faire évoluer leurs compétences ou encore à propos de tout dispositif de formation tout au long de la vie. Cela concerne également les cadres et les personnels d’encadrement qui pilotent ces organisations d’enseignement (corps d’inspection, chefs d’établissements, conseillers principaux d’éducation…) ou ces institutions de formation (cadres hospitaliers, responsables de formation…).
Institutions scolaires et de formation
Ce qui distingue et caractérise les institutions scolaires ou de formation des autres institutions est lié à la nature de ces institutions, elles n’existent qu’autant qu’une institution politique décide qu’il y a une nécessité à transmettre des savoirs institués à une institution élève. Si l’on adopte un point de vue anthropologique selon lequel les enjeux de savoir sont fondamentalement des enjeux de pouvoir, alors les institutions scolaires et de formation en tant que lieux institutionnels de transmission des savoirs sont aussi des lieux dans lesquels se gèrent les questions d’accès et de partage de pouvoir. En enseignant un savoir qu’il maitrise, l’enseignant partage une part de son pouvoir avec son élève, qu’il s’agisse de son pouvoir d’action sur l’environnement, de compréhension de cet environnement ou de construction de cet environnement.
Cette question de partage est cruciale dans les institutions quel que soit le point de vue que l’on adopte pour la regarder. Les différentes équipes du laboratoire et l’ensemble des projets de recherche contribuent à construire des éléments de réponse selon quelques points de vue privilégiés par exemple les interactions élève-enseignant telles qu’elles s’organisent dans le cadre du contrat didactique, la théorie anthropologique du didactique, le modèle anthropologique pour la déconstruction-reconstruction du sujet de l’éducation, le rôle des artefacts dans les processus d’apprentissage scolaires, les approches comparatives du didactique, les approches socio-didactiques et territorialisées, les approches ergonomiques notamment au travers du travail des professionnels de l’éducation dans les établissements scolaires, l’évaluation des politiques éducatives et l’approche sociologique des curricula, l’approche par les organisations apprenantes et l’intelligence collective ou encore l’approche historique au travers de l’histoire des institutions.
Rattachement à l’Ecole Doctorale
Composante importante de l’École Doctorale ED 356 « Cognition, Langage, Éducation », le laboratoire accueille une centaine de doctorants et en amène une quinzaine, chaque année, en soutenance. Ses travaux s’organisent dans des recherches fondamentales finalisées par les questions et les besoins de l’éducation, de la formation, de l’enseignement.